Rien ne s’est passé comme je l’avais imaginé.
Sans que j’en aie vraiment conscience, au cours des jours précédant l’épreuve, je ne me sentais pas très bien, émotionnellement. J’avais envie de me rapprocher de ce qui m’était familier. J’avais besoin de retrouver du connu, du stable.
Je me sentais à fleur de peau et je n’arrivais pas à mettre le doigt sur ce qui n’allait pas. Je crois que l’approche de l’épreuve était comme une épée de Damoclès qui agissait sur moi comme un poids inconscient. Il y avait même peut-être une sorte de peur animale de la mort, comme une angoisse sourde.
J’avais fait tout ce qu’il fallait pourtant. J’avais suivi religieusement ma préparation, j’étais allée consulter un cardiologue en janvier pour m’assurer de ne pas risquer un problème qui aurait pu être décelé par un électrocardiogramme, j’avais fait l’acquisition d’une montre connectée fiable et perfectionnée pour surveiller ma fréquence cardiaque, j’avais fait plusieurs séances de kiné pour soulager mes ischio-jambiers et me rassurer quant à leur capacité à tenir la distance, je portais sans faillir mes talonnettes pour soulager mes tendons d’Achille, je protégeais mes orteils tant bien que mal, je m’étais préparée à manger des pâtes de fruits en courant et à boire de l’eau mélangée à des électrolytes pour rester hydratée, j’avais mon camel bag, mes vêtements confortables qui avaient passé l’épreuve des frottements, ma crème anti-irritations. Je m’étais étirée tous les jours, j’avais fait du gainage pour renforcer mes abdos… Bref, j’étais prête. Et pourtant, je ne savais pas comment mon corps allait réagir. Je n’avais jamais couru plus de 22 km en une fois, et il allait falloir en ajouter 20 de plus. Je ne savais pas si la météo serait clémente. Je ne savais pas si j’allais expérimenter le « mur » (le moment où le corps ne veut plus suivre), avoir des crampes, lâcher mentalement, etc.
Je savais par contre que chaque séance de course était différente de la précédente et que je pouvais me sentir aussi à l’aise que très inconfortable.
La peur de l’inconnu, en somme. L’appréhension des limites du corps, et de celles du cerveau.
La veille du marathon, le retrait du dossard au Parc des Expositions a pris environ 3 heures. Évidemment, il y avait un monde fou et une file de plusieurs kilomètres. Certains coureurs se donnaient les derniers conseils : ne pas hésiter à s’arrêter et à manger et boire, ne pas manger de viande rouge la veille (inflammatoire), éviter les crampes à tout prix en buvant beaucoup. Autour de moi, tout le monde en était à plusieurs marathons et la remémoration des évènements passés allait bon train. Ça me rassurait de savoir que les gens avaient envie de recommencer. Il y avait des familles, qui accompagnaient et supportaient leur champion ou championne, des enfants, des personnes âgées, des gens venus des quatre coins du globe.
J’ai retiré mon dossard, qui comportait une partie dorée pour indiquer que c’était ma première fois. On nous a donné un petit sac à dos de course vert aux couleurs de ce marathon, je me suis fait prendre en photo devant le slogan.
Puis je me suis rendu compte à quel point cette aventure devait être lucrative quand j’ai vu les stands de marques diverses, toutes en lien avec la course à pied, nous proposer des chaussures, des tee-shirts, des électrolytes sous forme de comprimés effervescents, du baume tu tigre, etc. Je me suis laissée tenter par un tee-shirt noir et rose « officiel » portant le nom de l’évènement et la date. À 30 euros, j’espère le garder longtemps.
J’ai essayé de me coucher tôt. Mais j’ai mal dormi. Je me suis réveillée à 4 heures du matin et j’ai commencé à cogiter. Puis je me suis rendormie sans pour autant retomber dans un sommeil profond.