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Le retour en France

Quitter les États-Unis où je vivais depuis presque dix ans a été à la fois une grande joie et un vif déchirement.
C’était dire au revoir à des personnes que j’aimais, à une maison, à une certaine vie rodée, à des habitudes, à une routine… C’était changer de cap.
Je suis partie en premier avec les enfants, et mon (ex) mari est resté pour vendre et vider notre maison. Je ne savais pas quand il allait pouvoir nous rejoindre, je ne savais pas en combien de temps la maison serait vendue, je ne savais pas comment les enfants allaient s’adapter à la France, à cette nouvelle vie, je n’avais pas de travail, je n’avais plus mes repères. Je me suis installée chez ma mère le temps de trouver mes marques et de pouvoir rebondir.
Entre la joie de retrouver la nourriture française, l’incertitude de ma situation, les inquiétudes quant aux enfants et à mon mari, l’état de mon père qui commençait à vraiment se détériorer (maladie d’Alzheimer) et tout un tas de changements plus ou moins importants, mes tentatives de contrôler mon alimentation se sont vite révélées infructueuses. Retrouvant le goût et la qualité des produits français et souhaitant me procurer tout ce qui m’avait manqué, je n’avais plus aucune limite.

Après six mois de ce régime, j’avais non seulement des compulsions alimentaires assez intenses – je précise que je n’ai jamais eu de troubles graves du comportement alimentaire, tels qu’aller jusqu’à me faire vomir ou faire des crises de boulimie, et que je ne prétends en aucun cas savoir ce que vivent les personnes qui sont atteintes de ce type de trouble – mais j’étais parvenue à un poids que je n’avais jamais atteint de ma vie. J’avais pris 8 kilos en six mois. Le jour où, sentant que mes vêtements étaient serrés et voyant mon ventre gonflé, j’ai fini par me peser, je me suis dit qu’il fallait vraiment que je fasse quelque chose pour me sortir de tout ça. J’ai ressenti un immense découragement. Je ne me supportais plus et je m’en voulais de m’être laissée aller comme ça. À aucun moment n’ai-je pensé à m’apporter un peu de compassion et ne me suis-je demandé à quoi la nourriture avait bien pu me servir dans ce moment de transition extrême ; le changement de pays, l’état dépressif de mon mari depuis qu’il nous avait rejoints, les galères administratives, la dégénérescence cérébrale de mon père, l’abattement de ma mère qui devait le soutenir et que je soutenais à mon tour, le fait que ni moi ni mon mari ne travaillions, le fait que nous vivions chez ma mère, ma culpabilité par rapport à tout ce petit monde…

J’avais entendu parler depuis quelques temps, via le blog d’une journaliste écrivant sur ses problèmes de poids, d’un médecin nutritionniste à Paris assez célèbre et connu pour ses positions anti-régimes. Cette blogueuse avait perdu beaucoup de poids grâce à lui (je crois qu’elle l’a repris depuis d’ailleurs) et j’avais même lu le livre de ce médecin.
J’ai décidé de prendre rendez-vous avec lui, puisque je voyais bien que la thérapie « classique » (j’avais déjà de nombreuses années de thérapie à mon actif), bien que très bénéfique à plein de niveaux, ne réglait pas mes problèmes de comportement face à la nourriture.
Le premier rendez-vous a été prometteur (à 130 euros la demie heure, je trouvais qu’il pouvait l’être). Il m’a fait raconter mon histoire depuis l’enfance. Je me souviens avoir beaucoup pleuré et m’être entendue dire des choses assez dures sur mon corps.
Ensuite, je me rappelle avoir dû noté ce que je mangeais pendant deux semaines, ce que j’ai détesté.
J’ai mis beaucoup d’espoir dans cette « thérapie ». Les compulsions se sont arrêtées assez rapidement, je dois lui reconnaître cela. Je n’ai par contre pas perdu beaucoup de poids, trois ou quatre kilos tout au plus. Avec le recul, je trouve que l’approche de ce médecin manquait d’appui scientifique et je suis aujourd’hui en désaccord avec plusieurs choses qu’il m’a dites à l’époque : peu importe ce que l’on mange, c’est la quantité qui compte (faux) ; si on mange la même quantité en 2, cinq ou dix repas, c’est pareil (faux) ; une fois les cellules graisseuses créées, on ne peut pas les déloger (faux). Et puis surtout, il n’a jamais parlé des effets de l’alimentation sur les hormones et sur le cerveau. Certes, je n’avais plus de compulsions après l’avoir consulté pendant plusieurs mois (et c’est déjà pas mal !), mais j’ai tout de même terminé cette thérapie un peu résignée, avec l’impression que ma seule issue était de m’accepter comme j’étais. Ce que je ne faisais toujours pas (et en ce sens aussi, c’était un échec).
À ce moment-là, ma vie s’était un peu stabilisée. J’avais trouvé un CDI en traduction qui me plaisait, nous avions déménagé de chez ma mère, nous avions été obligés de placer mon père en Ehpad suite à sa disparition pendant plusieurs jours et au moins nous savions où il était à tout moment (l’Ehpad n’a malheureusement eu que cet avantage, mais ça, c’est une autre histoire), mes enfants avaient trouvé leurs marques…
Une période de stabilisation qui, une fois de plus, allait de pair avec ce qui se passait dans ma vie.
Mais encore et toujours cette insatisfaction sourde que j’acceptais sans vraiment accepter.
D’un côté, je ne comprenais pas pourquoi il m’était impossible de revenir à un poids qui me semblait satisfaisant mais d’un autre, j’avais bien d’autres choses à gérer dans ma vie que mon alimentation, et la nourriture représentait un refuge et un plaisir auxquels je n’avais aucune envie de renoncer (puisque dans ma tête, une autre issue était impossible ; c’était le contrôle absolu synonyme de privation, ou le lâcher-prise toxique mais synonyme de plaisir). Avec le recul, je sais que l’espace mental qu’occupaient la nourriture et mes pensées sur moi et mon poids cachait le reste et détournait mon esprit d’autres questions plus importantes que je n’avais pas envie de me poser.