Tu discutes avec ton amie, ta mère, ta collègue, ta tante, ta cousine, la boulangère, l’esthéticienne, la caissière, ta patronne. Et puis à un moment dans la conversation tu remarques un changement imperceptible. C’est infime. Tu ne sais même pas à quoi l’attribuer. Il a suffi d’une demie seconde. Et tu commences à sentir le jugement qui émane d’elle, tu sais que tu ne pourras plus être à l’aise. Tu te sens gênée, vulnérable, honteuse peut-être.
Tu te mets à rougir, tu commences à bredouiller, marmonner, prononcer des paroles confuses. Tu ne termines pas ta phrase, peut-être même que tu te contredis. Tu commences à te demander pourquoi tu as dit ça, tu décides que vraiment, c’était inapproprié, inutile, inintéressant. Tu veux abréger cette conversation. Tu penses à tout ce qu’elle doit se dire sur toi. Tu t’en vas, ou tu deviens silencieuse. Tu veux juste disparaître. Puis tu reviens sur cette injustice ; de quel droit te juge-t-elle ? Elle n’est pas au-dessus des autres. Tu cherches tous les indices qui prouvent que tu as raison et que ton comportement était légitime. Tu te justifies intérieurement.
Ce qui s’est passé n’a rien à voir avec ce qu’elle a dit ou fait. Ce qui s’est passé n’a même rien à voir avec ce que tu as dit ou fait.
Ce qui s’est passé, c’est qu’à un moment de cet échange, sans que tu en aies conscience et de manière tout à fait naturelle, ces trois mots se sont affichés dans ta tête : elle me juge.
Tu as ressenti l’émotion qu’ils ont générée ; honte, gêne, vulnérabilité, colère, angoisse ou autre.
Tu as agi en conséquence : phrases confuses, contradictoires, fuite, silence, agressivité, etc.
Résultat, tu as porté un jugement sur son comportement. C’est toi qui l’as jugée, au moment même où tu as inconsciemment formulé cette pensée.
Les autres ne sont jamais responsables de nos actions. Nos actions sont le produit de nos émotions. Et nos émotions sont le produit de nos pensées. Nos pensées sont indépendantes des actions ou des paroles des autres. Mais il est toujours plus facile de chercher des responsables externes à nos émotions négatives que de se demander ce qui s’est passé en nous.