HeLo Coaching

L’appartenance au groupe

Je n’ai jamais été fan des foules et de la collectivité. Je me suis toujours sentie un peu en dehors, un peu à l’écart. Je n’ai ressenti le sentiment d’appartenance – à la France – que lorsque j’ai commencé à vivre aux États-Unis. Pourtant, avant cela, j’avais toujours bien appartenu à des groupes ; une université, un lycée, un collège, une école, une classe, un pays, une ville, une classe sociale, un genre, etc.
Comme je l’ai dit précédemment, avant le semi-marathon, je ne me considérais pas comme une coureuse donc je m’excluais implicitement de ce groupe-là.
Pendant le semi, à différents moments, j’ai discuté avec d’autres coureurs et coureuses. Il y avait la mère qui encourageait sa fille toutes les 30 secondes (je n’exagère pas ; je ne sais pas comment la fille en question, jeune adulte, supportait ces incessants « Allez, Julie ». J’ai délicatement posé la question et la mère m’a assuré qu’elle le faisait à la demande expresse de sa fille). Tout le monde s’est montré encourageant quand j’ai dit que c’était ma première course, avec un mélange d’envie et de mansuétude dans le regard. L’attendrissement de celles et ceux qui savent devant l’excitation de la débutante. Comme si toutes ces personnes jalousaient mon expérience de première fois et contemplaient ma naïveté avec tendresse, alors qu’elles possédaient déjà toutes les informations qui m’étaient encore inconnues.

En début de course, j’avais brièvement parlé à une femme d’une soixantaine d’années que mon coach connaissait. Elle avait les cheveux rouges et j’ai couru quelques mètres derrière elle pendant la majorité de la course.

Dans les derniers kilomètres, les plus difficiles, sa chevelure était comme une balise qui permettait à mon regard de se fixer. Je ne lui avais jamais parlé avant ce jour-là et pourtant sa présence me rassurait et me donnait du courage. Savoir qu’elle avait une vingtaine d’années de plus que moi et qu’elle courait plus vite me donnait de la force et de l’espoir. Si elle pouvait le faire, j’en étais sûrement capable aussi.

Tout le long du parcours, j’avais participé à diverses brèves conversations. J’avais également volé des bribes de discussions au passage — car oui, j’avais même doublé des gens — : il y avait celles et ceux qui visaient un temps bien précis, celui qui n’avait pas couru depuis 6 mois, les deux copains qui avaient forcé le troisième, celles qui avaient fait un pari, les familles de coureurs, les novices comme moi, les inconscients, ceux qui s’arrêtaient manger des huîtres, ceux qui avaient l’air de faire une promenade de santé, ceux qui viraient au cramoisi, les pros…

J’étais bien parmi eux. Étonnamment, je me sentais dans le groupe.

Les inconnu•e•s qui ont dit mon nom ou m’ont encouragée pendant la course m’ont été d’une aide précieuse. Je n’ose imaginer la gratitude quand il s’agit d’un visage familier…

Et puis après l’arrivée, il y a le soulagement collectif, les stands de nourriture et de boissons, les « alors, quel temps ? », les « t’as vu Jean-Mi, il a lâché ? », les « J’ai froid, on s’en va »… Chacun et chacune vérifie son temps. Tout le monde est plus léger qu’au départ.

Depuis ce jour, il m’est souvent arrivé d’avoir des conversations enflammées avec de parfaits inconnus sur le sujet de la course à pied. Moi qui ne suis pas une grande fan des conversations de comptoir, je me suis surprise à partager des astuces de chaussures avec l’institutrice de ma fille, à discuter pendant 1/2 heure avec un commerçant du marché sur ses parcours de course, à débattre de l’efficacité des montres connectées avec un cardiologue et à encourager mon esthéticienne à absolument reprendre la course.

Je n’avais jamais pensé avoir besoin de ce sentiment d’appartenance au groupe. Mais je constate que je l’apprécie. Il n’y a peut-être pas de sport plus solitaire que la course à pied et, pourtant, quand je croise d’autres coureurs et coureuses, je sais qu’à un certain niveau et dans un certain domaine, nous pourrions nous parler et nous comprendre.